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Voyage au centre du dégroupage...
Source : Pascal Bories, Journal du Net
15/01/01

Mercredi 10 janvier 2001. Il est 14 heures légèrement passées... un petit groupe se presse autour des cafés servis dans la cantine du personnel, au sein de l'imposant bâtiment du Central téléphonique Masséna de France Télécom, dans le 13ème arrondissement de Paris. Aujourd'hui, l'entreprise multinationale que l'on a désormais coutume d'appeler "l'opérateur historique" en France a invité la presse pour une visite sur le thème du dégroupage de la boucle locale.

L'actualité mérite en effet que l'on s'y intéresse : pour la première fois dans notre pays, d'autres opérateurs peuvent proposer les mêmes services que l'ancienne entreprise publique... en théorie du moins. Le décret signé le 12 septembre 2000 par le Premier jministre (Lire l'article du JDNet du 13/09/00) avait en effet ouvert la voie à la concurrence entre tous les opérateurs à compter du 1er janvier 2001. A peine plus d'une semaine après cette entrée en vigueur et alors que les opérateurs concurrents faisaient pression depuis des mois -notamment par le biais de l'ART (Autorité de Régulation des Télécoms)- France Télécom tient à faire savoir que tout est en place de son côté, et ce grâce à une phase d'expérimentation commencée début juillet 2000.

14 heures 30 : la visite commence par une descente au plus profond des sous-sols. Là, une pièce tout en longueur abrite une série de câbles tirés dans le sens de la longueur et maintenus par une sorte d'échafaudage métallique. Au fur et à mesure que l'on avance, de plus en plus de câbles viennent épaissir les nappes à partir du plafond. Ceux-ci proviennent du répartiteur, la pièce d'au-dessus. D'où le nom de la pièce que nous visitons : infra-répartiteur. Lorsque tous les câbles ont rejoint la nappe, celle-ci atteint l'extrémité de la pièce où un mur porte les "masques" hermétiques dans lesquels chaque câble vient se ficher. Derrière, nous dit-on, ces câbles sous-terrains partent vers les abonnés via des sous-répartiteurs locaux, dont nous nous verrons présenter un exemple plus tard.

Notre "guide" nous explique que chaque câble -à l'exception bien sûr des câbles optiques gainés en vert- contient un multiple de 7 paires de fils (900 ou 2700 paires, par exemple), chaque paire correspondant à une ligne téléphonique. Puis, il insiste longuement sur les mesures de sécurité diverses prises pour "barricader" l'accès à cette salle, que ce soit en termes de visites -un badge est nécessaire et la salle est protégée par une alarme- qu'en termes de problèmes naturels - les "masques" constituant une ouverture vers les sous-sols sont hermétiques, de manière à écarter les risques d'inondation.

Nous pénétrons ensuite dans la Salle de Transmissions, destinée à l'interconnexion entre France Télécom et les autres opérateurs proposant déjà du haut-débit. En clair, c'est par le biais de ces équipements que France Télécom alimente en haut-débit (DSL) les autres enseignes offrant ce service à leurs clients avant même le dégroupage. Les deux modes de dégroupage proposés par France Télécom -face à la nouvelle obligation d'ouverture qui lui est faite- et reconnus comme tels par les pouvoirs publics nous sont alors expliqués. Tout d'abord, on comprend que la formule dite "dégroupage total" octroie à l'opérateur alternatif la charge de l'ensemble des opérations sur la paire de fils. Et ce alors que l'ancienne formule, dite "dégroupage partiel" consistait à laisser France Télécom se charger du bas-débit pour ne proposer que du haut-débit. D'où l'utilité de cette salle avant même la construction d'une véritable Salle de Dégroupage, rendue nécessaire par l'obligation de permettre un dégroupage total. Précision de notre guide : aucun opérateur n'est habilité à pénétrer dans cette salle, France Télécom étant entièrement chargé de l'exploiter, alors que la Salle de Dégroupage, elle, est accessible aux opérateurs... un changement tout en nuances.

Logiquement, nous découvrons ensuite (enfin) le fameux Répartiteur : vaste pièce à l'allure de bibliothèque dont les rayonnages seraient composés d'une multitude de barrettes sur lesquelles des nappes de fils percent du sol par un câble puis se dispersent et grimpent pour aller se brancher, chacun dans sa prise. Là, chaque paire de fil vient matérialiser à son point de branchement ("plot de renvoi") l'existence d'une ligne téléphonique en service. Derrière, des systèmes logiciels assurent la gestion des mode de communication et services accessibles au client, situé à l'autre extrémité. Dans cette pièce, le dégroupage se traduit physiquement par une opération manuelle : les agents France Télécom -seuls habilités, encore une fois, à pénétrer dans ce sanctuaire- doivent débrancher une paire de fil par client ayant souscrit chez un autre opérateur et la brancher sur les "plots" tout neufs qui renvoient vers la salle de dégroupage.

La manipulation est bien sûr facturée à l'opérateur client. Les visiteurs que nous sommes expriment alors, avouons-le, une émotion croissante à la vue de ce nouveau rayonnage de "plots de renvoi". Verts et non pas gris, au lieu de mener tout droit au client final, ceux-ci pointent vers les centraux d'autres opérateurs avant de ne rejoindre que la fameuse "boucle locale", échappant ainsi au passage précédemment obligé par les systèmes informatiques centraux de France Télécom... et son unique grille de facturation.

Enfin, le guide met son petit monde en effervescence alors que l'on se dirige vers la toute nouvelle Salle de Dégroupage : démonstration de l'ouverture d'une grille de quatre ou cinq mètres de haut par un badge dont chaque opérateur désireux d'accéder à la salle doit disposer, nouveau dispositif devant la porte blindée menant à l'escalier qui s'enfonce dans le sous-sol de la cour, et enfin ouverture de la porte de la salle, toujours limitée aux détenteurs de la carte plastifiée. A l'intérieur, par contre, un visiteur s'étonne de l'absence de caméra de surveillance... et notre guide de répondre assez confusément. En effet, ici résident entre autres les armoires ("baies") attribuées au fil des demandes à chaque nouvel opérateur bénéficiant du dégroupage. L'une est ouverte, deux autres fermées à clé. Mais les matériels consacrés aux différents opérateurs concurrents sont donc à la merci de n'importe quel visiteur disposant d'un badge. Par ailleurs, la salle dispose de rayonnages "répartiteurs" cuivre et optique permettant de brancher les fils menant au Répartiteur central que nous venons de visiter. Pour l'heure, une seule baie est réellement exploitée. Or une baie correspond à 1.000 clients. Et la pièce, peu spacieuse, suffit à rendre possible l'hébergement de 18 de ces baies. On constate au passage que le seul opérateur déjà installé dispose des équipement ADSL et SDSL, le second correspondant pour un encombrement exactement équivalent à un nombre de clients servis nettement supérieur... nouvelles technologies et futures technologies se côtoient donc déjà dans ce local.

Pour finir, notre guide nous emmène quelques rues plus loin pour ouvrir sous nos yeux un de ces blocs marrons si bien "banalisés" que l'on ne les repère pas lorsqu'on passe devant : un sous-répartiteur de zone, empiétant sur le trottoir, adossé à la façade d'un imeuble. A l'intérieur, toujours les mêmes rayons de barrettes de plots gris, dans lesquels les fils sortis du câble viennent se ficher, distribuant les lignes de tous les abonnés du quartier. Qu'on se le dise : la vie "point com", désormais, ne sera plus tout à fait l'apanage de France Télécom.

[Pascal Bories, Journal du Net]

 
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